PROJET DE RÉGÉNÉRATION DE LA CAPITALE : Divesh Guttee propose une alternative à la « Port-Louis Smart City »

Dans une thèse qu’il a soutenue en septembre dernier à l’université de Cape Town, en Afrique du Sud – intitulée “A People Oriented Port City. Urban Rejuvenation : Port-Louis” –, le jeune architecte urbaniste Divesh Guttee propose une alternative au projet gouvernemental de « Port-Louis Smart City ». Il affirme vouloir ainsi apporter sa pierre dans le projet du gouvernement et donner « une nouvelle jeunesse à Port-Louis », et ce en proposant une « soft and people oriented approach », contrairement à cette « heavily engineered solution » que propose le projet « Port-Louis Smart City », au coût de Rs 52 milliards.

D’emblée, Divesh Guttee insiste sur le fait qu’il ne vise « ni à critiquer, ni à offenser » ou encore à prendre position. « Je ne souhaite que partager les idées qui ont émergé lors de mon “voyage” vers ma thèse. Je veux annoncer que j’ai une alternative au projet “Port-Louis Smart City” du gouvernement », précise-t-il. L’Urban Designer affirme avoir « des préoccupations sincères » avec certains aspects de ce projet gouvernemental. « J’ai une alternative que j’ai soutenue dans ma thèse universitaire, “A People Oriented Port City. Urban Rejuvenation : Port-Louis”. » Il affirme vouloir « faire entendre ses préoccupations sur ce plan urbanistique de Port-Louis du gouvernement ».

Divesh Guttee explique que le projet « Port-Louis Smart City » (voir encadré) est une « heavily engineered solution », le sien étant, selon lui, une « soft approach ». Il explique : « Nous pouvons faire beaucoup plus et mieux en dépensant moins, et ce tout en adoptant une approche plus humaine. » En effet, le projet gouvernemental nécessitera d’ici 2020 un investissement total (public-privé) de Rs 52 milliards.
Aussi, le jeune Urban Designer critique-t-il, dans le projet “Port-Louis Smart City”, la construction d’une esplanade sur l’autoroute au niveau de la Gare Victoria et la Gare du Nord, le tout relié par une « passerelle » sur l’actuelle autoroute M1. « Ce serait deux monstres de béton anti-urbain allant à l’encontre des tendances mondiales, comme à Boston, Seattle, Portland, San Francisco ou Séoul, où l’on détruit toute structure en béton (autoroute) qui obstrue l’accès de la cité vers la mer », explique-t-il. « Les gens préféreront toujours marcher au niveau de la terre, “la voie de la moindre résistance”, au lieu de monter et d’avoir à redescendre et perdre par conséquent beaucoup d’énergie. »

Notre interlocuteur estime en outre que ces deux esplanades et la passerelle ne résoudront pas le problème des marchands ambulants, comme l’espère le projet gouvernemental. « Ceux-ci s’installeront toujours sur le passage d’une dense circulation de passants », prévient-il. « Si le trafic est dévié sur le futur Harbour Bridge, la Port-Louis Ring Road, et à partir de la Place Decaen venant du Sud et à partir de l’entrée Nord à l’Immigration Bus Station, la congestion routière s’en retrouverait alors allégée entre la Gare Victoria et la Gare du Nord. Alors à quoi serviraient ces deux esplanades surmontées pour que le public ait accès au front de mer ? Avec l’autoroute en dessous, cet espace sous ces deux structures de 80 mètres de large sera extrêmement dangereux, anti-urbain et, même, anti-humain », s’alarme l’urbaniste.

Que propose alors Divesh Guttee ?

« Après que le plus gros de la circulation routière a été déviée sur le Harbour Bridge et la Port-Louis Ring Road, il s’agit alors de démolir l’autoroute M1 entre les deux gares et convertir cet espace, devenu ainsi disponible, en un boulevard piétonnier, commençant au niveau du Ruisseau La Paix au Nord et Ruisseau Créole au Sud. Les gens resteraient au niveau du sol et traverseraient à pied ce boulevard en toute sécurité sur ces 800 mètres pour accéder au front de mer ou toute autre point du centre de Port-Louis », argue-t-il. « Aucune solution onéreuse en béton (“engineered”) ne serait alors nécessaire pour permettre aux piétons d’accéder au centre-ville », ajoute-t-il.

Si Divesh Guttee accueille cette idée de transformer chacune des deux gares routières en un espace que pour démarquer les passagers des bus (“drop-off areas”), il remet toutefois en question cette nécessité de remplacer les aires de stationnement des bus en des parkings pour un total de 2 000 voitures privées. « De nos jours, partout ailleurs dans le monde (Europe, Etats-Unis et Afrique du Sud notamment), on décourage les gens à utiliser leur voiture privée pour accéder au centre-ville, et ce pour des raisons de stress, d’économie ou de pollution. »

Comme solution à ce problème, l’Urban Designer préconise la mise en opération d’un nouveau sytème de Bus Rapid Transit (BRT), un système de coach intra-urbain écologique et moderne, qui relierait Terre-Rouge (Nord) et Pailles (Sud) à travers la cité de Port-Louis. « A new BRT system linking these 2 urban nodes, where parking for cars can be provided, for people to park-and-ride to the city centre. »

Selon Divesh Guttee, Terre-Rouge est un endroit stratégique où convergent presque tous les villages du Nord, et qui est à côté de l’autoroute Terre-Rouge-Verdun. De même, Pailles, qui est reliée à la prochaine Port-Louis Ring Road et l’autoroute M1. « Ce sera par conséquent un bon réseau routier qui s’étendra bien au-delà de Port-Louis », dit-il. « Nous devons encourager les Mauriciens à laisser leur voiture en dehors de Port-Louis et à accéder au centre-ville par le BRT. »

Cette analyse critique du projet « Port-Louis Smart City », notre interlocuteur l’a puisée à partir d’une évaluation des opportunités et des contraintes qu’offre notre capitale. « Le mouvement est du Nord au Sud et vice-versa le long de cette autoroute, qui constitue présentement une barrière à la mer, tandis que l’axe visuel est de la cité à la mer. L’humain se dirige instinctivement vers l’eau. Et à cause de l’autoroute, le front de mer devient ainsi une zone exclusive, déconnectée de la cité, alors que le rivage de Trou-Fanfaron aux Salines offre des possibilités de développement immenses avec, entre autres, des “water-taxis”. Sans compter le manque flagrant d’espaces verts et de rues piétonnières ! »

Il va sans dire que le jeune architecte urbaniste ne voit pas d’un bon œil le projet de transférer les services administratifs de Port-Louis à la Highlands Heritage City. « C’est dépouiller Port-Louis de sa substance, de son cachet primaire, de son âme même. Le contraire même de ce qu’il faut faire », estime-t-il.

Le jeune homme dit avoir un rêve pour Port-Louis : « Des espaces publics vibrant d’activités, libres de tout chaos et pleins de vie après les heures de bureau. Où l’on entend de la musique, des enfants jouer, où l’on sent l’odeur des aliments préparés dans des bistrots en bordure de rues. Une ville où l’on a envie de flâner, de prendre un pot avec ses amis et de s’attarder en toute sécurité la nuit… Port-Louis doit devenir une ville pour les gens et non pour les voitures ! »

http://www.lemauricien.com/article/projet-regeneration-la-capitale-divesh-guttee-propose-alternative-la-port-louis-smart-city